C’est vous les fous, pas toi mec.
9 janvier 2011
Merci Nancy. Ca fait des millions de saisons que je cherche une excuse à la cuvette nancéenne sans succès. A chaque correspondance, je traîne mon couteau dans la gare, à la recherche d’un mobile pour faire la paix avec cette pute de ville où il fait toujours nuit.
Et tu sais comment c’est, c’est toujours quand on s’y attend pas, etc. Ce matin, une heure d’attente à la gare, j’allais trimballer au Printemps en face de la station, en me disant comme d’habitude qu’a l’époque, que putain, que le tournage (Bye Bye Blondie qui s’est fait sans moi), bon je faisais ma soupe quoi, rien d’extraordinaire. Et puis le Printemps fermé (dimanche matin, fallait pas rêver non plus), obligée d’apprendre une leçon dans un magazine « Hors Série Libération, les excentriques du XXème siècle », bon, admettons. Je me poste dans une des salles d’attente parce qu’il y avait un mec saoul, la meilleure décision de l’heure qui suit, tu vas comprendre…
« Ferme ta gueule salope… »
C’est par ça qu’on a fait les présentations, enfin pas encore très distinctement puisque je me trouvais encore dans le monde de ceux qui choisissent le casque antibruit©, mais j’entendais bien que le mec avait des choses à raconter, y’avait un passif, il buvait pas par branlardise. Bon, alors j’ai enlevé la fonction anti-bruit© pour m’intéresser à son actu, fermé mon magazine parce que Boy George a un wikipedia, c’est pas dans la minute que j’avais besoin de savoir par quoi il avait été transformé en reine des Bitches. Mon voisin saoul, lui, c’était maintenant ou jamais.
Je regards en face de moi, en me disant que j’aurais dû me mettre en face de lui ç’aurait été plus pratique pour engager une relation TCT (très court terme). Là ça allait être ferrugineux, déjà que les gens autour ont pas capté pourquoi j’enlevais mon casque alors qu’un clodo complètement beurré beuglait des insanités à deux sièges de moi. Mais les mecs, vous avez choisi le monde anti-bruit©, je veux dire, vous ne voulez pas comprendre. Moi si. Dis-moi tout mec, je suis à toi pour les 20 prochaines minutes, donne-moi ton histoire, j’en prendrai soin, sur la tête des gosses.
16 juin 1984, Clermont Ferrand.
Tu vas dire que je me la raconte mais ça va, je saurai t’en donner pour ton argent, j’ai aiguillé son énergie vers moi pour qu’il me donne d’autres informations que « Ferme ta gueule, salope, t’es tellement conne que… Ferme ta gueule, SALOPE ! Ca venait pas, mais tant mieux, elle est là la vraie vie, ce mec qui buvait pas par branlardise commençait des phrases dont chaque mot aurait pu faire l’ouverture d’un putain de film, et finissait inlassablement (pardon Haydée, j’utilise un adverbe) par « Bon… et… j’suis clodo… Putain ». Au Forceps, sa story je la ferais sortir au forceps, je l’encourageais en me mettant dans sa direction, vas-y, file-moi quelque chose, juste un petit quelque chose, s’teuplaît…
« Je viens de Pau moi monsieur, 14 ans… Ferme ta gueule Salope… J’suis un para moi madame, Ouiiiii madame (doigt en l’air en mode Don Camillo), et on a morflé, putain qu’on en a chié ». Ca venait. Je me disais « cherche pas, cherche pas à construire, prends ce qu’il te dit, tu verras ensuite ». Le mec s’arrête, boit un coup, croise les jambes, se penche en avant, il attend deux secondes, avant de se mettre à rigoler. J’te parle du rire du gros de Full métal Jacket hein, pas du rire d’Arthur pendant l’enregistrement des Enfants de la télé. Il aurait rigolé qu’il aurait pleuré que ça aurait été pareil*. Putain on est dans la vraie vie, on est à Nancy, dimanche matin sous la pluie, celle même pas froide, pas franche, dont il faut se méfier. Mais pourquoi tu bois mon pote ? C’est la somme de toutes les choses ou bien y’a une petite la dessous ?…
*syntaxe libre, cherche pas.
Ma femme, ma deuxième femme, Monica. Monica Bellucci.
Putain, elle est là la clé. Tout ça à cause d’une meuf ? Sérieux Eric ? (Oui, il a décliné son blase entre temps mais j’ellipse sinon je vais te perdre). « Ferme ta geule, salope… SALOPE ! » Tout ce travail, arriver à Nancy alors que t’as encore un tupperware d’accent du sud au fond de la gorge, devenir clodo et tout, à cause d’une pute avec un coeur trop ptit ? Le mec devait avoir 50 ans. Manquait des dents ça et là, chaussures de sécu, mains pas trop sales mais les yeux pour 25 ans en prison avec des centaines d’autres de sûreté, tout ça à cause d’une Monica ? Qui l’avait tellement rendu dingue qu’il continuait à l’entendre à l’intérieur (évidemment, d’où le ferme ta gueule salope, toutes les 35 secondes). Quand je voyais les gros dans leur monde anti-bruit autour, ceux qui s’étaient préservés, et cet oiseau de passage qui s’était krashé à cause d’un feu d’artifice, j’avais envie de lui léguer des trucs. Comme j’avais rien d’autre que mon hors série Libé, asceptisé comme la piaule d’un enfant lune à côté de la vie de ce mec, j’ai attendu qu’il réclame un truc, mais c’est pas facile avec ces types là, ils te regardent avec l’air de te demander le chemin pour derrière les nuages, et puis si tu leur donnes une clope ils t’engueulent et la cassent en deux…
« Eh mon pote, t’as pas une cibiche ? »
… Une… CIBICHE !… Putain, j’allais pas rater ça. Evidemment le gamin en Sketchers assis en face de mon nouvel ami Eric a dit non, a dit je fume pas, a dit désolé, ta gueule mon grand, laisse les adultes parler. Attends Eric, attends panique pas, je vais t’en donner des clopes. Il m’avait rien demandé personnellement et pourtant j’ouvrais mon sac tranquille, style je sors le doudou du gosse, c’est normal. « Et toi ma belle, t’as pas une clope ? » Sans le regarder je dis Ouais, alors rassuré il continue sa story avec le chaland potentiel, en entament une histoire prenant place devant une discothèque avec comme personnages principaux lui, sa bouteille plus vide que la cave de Josef Fritzl après descente des flics, et… Rocco Sifredi. « Un gamin super sympa, 38 ans maintenant, et la Jeannine, ma mère la pauvre,… »
Je suis débile, là j’ai tendu 3 Marlboro Light mais j’aurais dû attendre la fin de sa phrase, peut être la première qu’il aurait fini autrement que par « Mais bon… je suis clodo… Putain ». Mais moi non, l’enfant impatiente de faire plaisir j’ai pas pu me retenir juste dix secondes évidemment quand il a vu mon bouquet de tiges il s’est arrêté cash en disant « woooow ! Ma belle c’est jour de fête » et moi je pouvais m’asseoir sur Rocco et Jeanine. Chié.
Conclus meuf, les gens sont partis.
Ok, donc Eric prend les clopes en chancellant, se rassied, s’en fourre une dans le bec à l’envers (c’est débile mais les gens qui mettent leur clope à l’envers dans leur bouche c’est pour un moi un gag intemporellement drôle). « Du feu, donne-moi du feu ma belle ». Bah j’en n’ai pas, enfin si mais je suis une meuf = j’ai un sac de meuf= No way, je fouille pas ça va prendre 12 minutes.
je le contrarie en n’ayant pas de feu, il annonce donc sa ponctuation habituelle, comme d’autres se raclent la gorge ou tousottent, « Ta gueule, salope », se relève, arrache le filtre de sa clope parce que merde on n’est pas des pédés il a dû se dire, « ancien para style », se rapproche de moi distance sociale pas beaucoup, les gens nous guettent, mais que va-t-il faire, devrons nous être témoins de l’agression ? Oh non, on va être dérangés ! Vraiment ces oiseaux de passage, ils seraient mieux en prison ! … « Tu me fais chier t’as pas de feu ? « Non, j’ai pas de feu, mais je te souhaite une pute de belle journée, mec. Et je suis partie en ayant conscience que de si je remettais la fonction Anti bruit© de mon casque, c’était pas pour longtemps, juste pour voir comment ça faisait.
En m’éloignant, j’ai entendu « Casse-toi, salope ».
J’ai toujours eu un faible pour ce qui n’était pas facile.
Je te connais pas, enfin si, je connais le personnage de Vaness, mais c’est tout. Je suis tombée sur ton blog un peu par hasard et j’ai lu 4-5 pages (c’est un compliment je suis en prépa j’ai tellement pas de temps que je dois choisir entre manger ou faire pipi). J’adore. Ca fait du bien, parfois ça fait un peu mal, c’est souvent drôle, j’adore ta façon d’écrire un peu chaotique et j’adore le côté « reubeu des Vosges », étant mi algérienne mi normande tu vois le topo… Et moi aussi j’aime bien écouter et parler aux clodos. Voilà, t’as une fan meuf !
[…] This post was mentioned on Twitter by Punk à chats, Sophie Marie Larrouy. Sophie Marie Larrouy said: "C'est vous les fous, pas toi mec". Sur mariemartinejackson http://bit.ly/g4ATzk […]
Et bien moi non plus je ne te connais pas, je connais le personnage de Vaness’, je connais le personnage de la coach de la matinale Canal, et je suis souvent témoin de ces bribes de vie que tu viens lancer ici comme une boîte fourre-tout où on met tout ce qui est précieux, mais qui, concrètement, ne sert à rien : des tickets de ciné, concerts, théâtre, des pierres aux formes marrantes, des jolis coquillages, des slogans de manif’ étudiante, etc.
Quand je te lis, j’ai l’impression de lire du Audiard ou du Simonin, j’aime bien.
Mais je pense qu’être ami avec toi, ça doit vraiment être un taf’ à temps plein !
MMJ, écris un livre.
Merci pour cette tranche de vie.
Tes descriptions sont transcendantales.
❤